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- Le triptyque : la Nation, l’Etat, la République
La nation s’est constituée peu à peu au fil de l’Histoire de France. Elle s’est construite autour d’un Etat fort et centralisé. L’unité française est donc ancienne. A cet égard, la comparaison avec l’Allemagne et l’Italie est intéressante : l’unité de ces pays ne s’est réalisée qu’en 1870. Ou bien encore l’unité espagnole s’est construite autour de royaumes qui se sont juxtaposés.
Le triptyque français achève de se mettre en place sous la IIIème République : la République s’installe enfin dans la durée. L’existence des deux premières Républiques fut très brève. Fin XIXème, la scolarité obligatoire, laïque et gratuite, la colonisation et le désir de reprendre l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne créent un contexte très particulier qui marquera fortement l’imaginaire français.
Dans la continuité de notre histoire, la nation, l’Etat et la République sont très liés. Ce fait est une source de richesse et de cohésion mais également une fragilité lorsque de fortes secousses viennent ébranler l’édifice. C’est le cas avec la décentralisation, la construction européenne et la mondialisation. La tradition française de la nation, c’est un ensemble d’éléments-clés :
- Un Etat fort et centralisé (de moins en moins … actuellement),
- Une République dont les principes sont les suivants selon notre constitution :
- elle est indivisible,
- elle est démocratique,
- elle est laïque,
- elle est sociale,
- elle est universelle.
La France est une nation.
La Bretagne ne l’est pas, il n’y a pas de peuple breton.
Et l’Europe ne l’est pas encore mais le deviendra … peut-être.
- Politiquement la nation change de camp
De la révolution à la fin du XIXème siècle, la nation comme valeur est de gauche. Elle reste associée à l’abolition de la monarchie absolue de droit divin, à la suppression des privilèges de la noblesse et du clergé et à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
Elle s’oppose au retour à l’Ancien Régime.
A la fin du XIXème, la nation bascule à droite. On peut situer le virage au moment de l’affaire Dreyfus. Un combat oppose d’un côté la raison d’Etat, l’intérêt supérieur de l’armée et de l’autre, les droits de l’individu, innocent en plus.
C’est l’engagement des intellectuels, Zola en particulier : qu’on se rappelle le fameux « J’accuse » publié dans l’Aurore !
C’est l’engagement individuel de socialises comme Jaurès et Blum. Dès lors en France, le mouvement socialiste associera toujours, idées sociales, démocratie et République.
La Première Guerre Mondiale fait basculer un peu plus l’idée de nation dans le camp de la droite, malgré l’assassinat de Jaurès et l’Union sacrée.
Sur le plan de l’imaginaire collectif et sur le plan du mythe collectif lié à des événements vécus, la fraternité vécue dans les tranchées avec des Français venus de tout l’hexagone, d’Outre-Mer et des colonies, c’est une nation charnelle qui naît, celle qui aujourd’hui se disloque peu à peu : une autre naît encore peu visible. La nation héritée du Moyen-Age, transformée par les Lumières et la Révolution de 1789, se métamorphose à l’ombre d’une « barbarisation » inconnue jusque-là dans l’Histoire de l’Humanité : la guerre 14-18. la Révolution industrielle appliquée à la guerre et mise en place par des Etats aveugles en Europe débouche sur une nouvelle conception de la nation : pour certains, elle s’ouvre sur le nationalisme, parfois elle devient régime totalitaire associée à de nouvelles idéologies. En France, elle donne naissance à une conception de la nation qui aujourd’hui est ébranlée par la mondialisation.
De Gaulle l’incarne au point de faire oublier la perte de l’empire. Dans les années 70, l’idée de nation paraît désuète.
Elle réapparaît avec force dans les années 80 et 90. apparemment, c’est l’immigration qui sécrète cette résurgence sous une forme contemporaine, dominée par la peur et la montée du Front national. C’est la partie émergée de l’iceberg, la partie essentielle est immergée : c’est la mondialisation alors peu comprise et ses conséquences massives sur notre pays.
- Nation et Mondialisation
Aujourd’hui, on sait que l’on n’a pas vu venir la révolution informatique et sa conséquence principale : la mondialisation, qu’on appelle justement la globalisation dans les pays anglo-saxons. Face à ces bouleversements, l’Etat ne sait plus comment remplir ses missions ; les promesses de la République se disloquent dans les ghettos urbains ; le chômage et les inégalités de revenus rongent la confiance.
Face à la mondialisation, la droite s’abandonne d’abord au néolibéralisme et au marché tout-puissant.
La gauche n’a pas vu venir la mondialisation et est impuissante car théoriquement et idéologiquement prise à contre-pied. Son choix est de rester accrochée à des moyens obsolètes ou de simplement gérer.
L’élection présidentielle de 2007 se joue lorsque le communautariste, atlantiste et néolibéral Sarkozy rencontre Henri Guaino. Ce dernier lui fait opérer une mue idéologique. La réponse de la droite à la mondialisation sera nationale. C’est pour cela que Sarkozy dans les textes écrits par Guaino récupère Jaurès et Blum : ils font partie de l’Histoire nationale et du patrimoine national. C’est cohérent sur le plan théorique, et cela fonctionne dans l’imaginaire collectif des Français qui est devenu orphelin d’un projet, d’un destin.
Le PS avait pour mission d’offrir une autre réponse à la mondialisation. Cette réponse devait être sociale : la Sécurité Sociale professionnelle était une voie féconde qui n’a été qu’à peine effleurée.
Cette réponse devait être politique : le PS devait affirmer l’importance de l’Union européenne comme chance et destin politique. L’Union européenne offre un cadre pertinent pour pouvoir redistribuer plus justement les richesses produites et faire des priorités de régulation à l’échelle régionale et mondiale.
- Leçons pour l’avenir
Le déchirement du parti sur la question du traité constitutionnel a été une sorte de « suicide » politique. Ce « suicide » est la conséquence de nos insuffisances théoriques à lire le réel, les évolutions en cours et à en tirer des conséquences. Les ambitions personnelles, l’incapacité à tirer des leçons de la métamorphose des médias en pouvoir, l’acceptation aveugle du régime personnel de la constitution de la Vème république ont achevé de brouiller notre crédibilité sur le plan politique, économique et social, mais aussi sur le plan de l’imaginaire collectif.
La réponse nationale du tandem Sarko-Guaino est une réponse nostalgique à un pays en mutation. Elle ne sera guère opérationnelle pour affronter les enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Si nous voulons offrir à la nation, à la fois, une espérance et un destin, nous devons, nous socialistes :
- Accepter la mondialisation comme révolution technique et économique afin de proposer des solutions innovantes et sociales pour la réguler.
- Accepter la construction de l’Union européenne comme une chance et un destin, même si le rythme est lent. A l’échelle de l’Histoire, ce processus unique est la preuve du génie collectif des hommes.
- Accepter une nouvelle étape de la décentralisation avec les moyens financiers adaptés.
- Accepter une nouvelle approche audacieuse et imaginative du rôle de l’Etat.
- Accepter et construire une République qui tienne ses promesses notamment sur le plan social : la révolution du réel.
Nous donnerons alors un sens à notre vision de l’Histoire : nous acceptons le réel pour mieux le transformer. Nos valeurs ne changent pas mais nous devons inventer de nouveaux outils politiques, économiques et sociaux. Nous devons penser à toutes les échelles : être Français aujourd’hui et demain, c’est aussi être de sa ville, de sa région, c’est aussi beaucoup être européen, et être de cette Terre que nous transmettrons aux générations futures.
Le concept de nation n’est pas partisan, certes. Mais les partis politiques doivent lui permettre d’éclairer l’avenir. C’est un combat culturel, c’est une bataille sur le plan des idées : la nation est bien un concept évolutif : ce sont les idées, les sociétés et les hommes qui la feront évoluer !
Même si la nation, c’est aussi comme en démocratie, accepter que la majorité décide pour la minorité. Là est aussi, la véritable légitimité de la nation.
Ce que Jaurès a fait en son temps, à nous de l’inventer aujourd’hui et demain.
La fidélité, c’est de savoir changer, c’est une métamorphose, c’est une renaissance.
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